En amont de son passage à Bordeaux et Angoulême pour échanger avec les représentants du tissu économique de ces deux villes, le sous-gouverneur Denis Beau a donné une interview au journal Sud Ouest sur les sujets qui préoccupent les Français en ce moment : l’inflation, la récession ou encore le relèvement des taux d’intérêt du crédit.
L'inflation est le sujet de préoccupation premier des observateurs du fait éco-nomique et des ménages, quelle est votre analyse sur la situation ? L'Insee an-nonce une inflation à + 6,5 % dès septembre…
Les nouveaux chocs qui viennent d'intervenir sur les marchés de l'énergie, des matières premières, les retards des chaînes d'approvisionnement, en raison des reprises de confinements en Chine et surtout de la guerre en Ukraine ont eu un impact fort sur l'inflation, l'évolution des prix. Ils ont amplifié et étendu à l'ensemble des biens et services une croissance des prix largement supérieure à 2 %, qui est notre définition de la stabilité des prix. L'inflation a atteint 5,8 %en France et 8,1 % pour l'ensemble de la zone euro.
Quelle sera l'évolution de l'inflation selon la Banque de France ?
L'impact, sur l'évolution des prix, des confinements en Chine et de la guerre en Ukraine ne devrait s'estomper que très progressivement. Selon nos prévi-sions, l'inflation devrait revenir à 2 %, mais en 2024, après s'être établie aux alentours de 3,4 % en 2023.
Aujourd'hui, nous ne nous plaçons pas dans la perspective d'une récession
Peut-on éviter le scénario d'une récession, d'un recul durable de l'économie française ?
Le scénario central le plus probable, c'est que la guerre en Ukraine va nous coûter un peu plus de 2 points de croissance sur la période 2022 à 2024 par rap-port au niveau de croissance attendu au début d'année. Mais grâce à un bon niveau de consommation et à l'investissement des entreprises qui résistent bien et qui sont soutenues par les mesures en faveur du pouvoir d'achat et les me-sures de relance, pour nous, la croissance devrait rester positive et s'établir à 2,3 % en 2022, 1,2 % en 2023 et 1,7 % en 2024. C'est le scénario central à partir duquel nous avons établi nos prévisions. Ce n'est que si l'on pose des hypo-thèses très sévères avec un arrêt total des importations européennes de pétrole et de gaz russe à partir du troisième trimestre de cette année et des tensions bien plus fortes sur les prix des hydrocarbures que celles qui sont anticipées actuellement par les marchés, qu'un scénario de récession pourrait se maté-rialiser. Donc aujourd'hui, nous ne nous plaçons pas dans la perspective d'une récession.
Autre grand sujet de préoccupation pour les ménages, le relèvement des taux d'intérêt du crédit. À partir de quel niveau de hausse l'économie française se-rait impactée négativement ?
La BCE a engagé la politique de normalisation de sa politique monétaire, c'est-à-dire la sortie des mesures exceptionnelles prises pendant la crise quand le risque majeur résidait dans une inflation trop basse trop longtemps. Cela im-plique de relever les taux directeurs de 1 et 2 % à l'horizon 2023. Pour les mé-nages et les entreprises, la normalisation de la politique monétaire veut dire le retour progressif à des conditions plus normales de taux d'intérêt. Mais les taux resteront favorables, déduction faite de l'inflation attendue. La normalisation de la politique monétaire ne signifie pas une récession.